En fêtant chaque 9 Mai et la capitulation nazie, Moscou renoue avec la fibre patriotique… et soviétique. Journées curieuses, prétextes à retrouver, presque intacts, les vestiges colossaux de l’ère « socialiste ».
35 km : il y a la même distance entre l’aéroport de Cheremetievo et Moscou qu’entre Roissy et Paris. A mi-chemin, sur votre droite, un monument martial marque le point précis où l’avance nazie a été stoppée. Imaginez l’invasion de 1940 freinant à Aulnay-sous-Bois… Staline a eu chaud aux moustaches ! On comprend le soulagement quand, 4 ans et 25 millions de morts plus tard, l’URSS hissait son drapeau sur Berlin. C’était le 9 mai ; que depuis, on n’appelle plus que Dien’ Pobiedy – le Jour de la Victoire.
Une chanson porte ce nom « Dien’ Pobiedy, Dien Pobiedy, Dien’ Po-bie-e-dy ! » Rabâchée par les hauts-parleurs que l’on dresse dans Moscou pour cette fête patriotique, vous n’avez pas fini de l’entendre, tout comme tous ces tubes mondialisés par les Choeurs de l’Armée rouge : « Porte mes lettres au guerrier, en poste sur la ligne de front ». « La vermine fasciste, collons-lui une balle dans le crâne ».
Batteurs d’estrades
Débarquant à Moscou, vous voulez voir la place Rouge, bien sûr. Vous passez la porte de la Résurrection qui porte bien son nom : Staline l’avait rasée pour que les chars puissent défiler devant le tombeau de Lénine. Vous vouliez le visiter ? Oubliez : en ces veilles de 9 mai, la place s’emploie à peaufiner le pas de l’oie de ses régiments – héritage des instructeurs… allemands de l’armée tsariste. Sur les tribunes dressées à flanc de Kremlin, mille soldats en treillis sautent en rythme : le test pour s’assurer que les estrades ne s’effondreront pas avec le gratin de la Russie poutinienne…
En revanche, Notre-Dame de Kazan est ouverte : vous pouvez explorer la nef sombre qui rampe sous ses clochetons de Lego, avant d’enchaîner avec les bulbes en turbans, amanites tue-mouche ou pommes princesse du plus célèbre monument de Russie – Basile-le-Bienheureux.
Le Kremlin n’est pas fermé non plus. Dès l’entrée, vous longez les canons verdis, prises de guerre, non sur Hitler, mais sur Napoléon. Les jeunes cadets en uniforme bien brossé sont de sortie, et tombent en arrêt devant une pièce titanesque, le Tsar Pouchka – « Roi des Canons » d’un calibre de 890 mm. Son pendant est le Tsar Kolokol – traduisez la Reine des Cloches -, qui pèse 160 tonnes et n’a jamais sonné.
Ce ne sont que les fétiches anecdotiques du Kremlin (mot russe qui veut tout bêtement dire « la Citadelle »). Ici, vous trouverez rien de moins que sept cathédrales, cubes, dégradés de bulbes ou clochetons bien alignés, sans oublier l’Armurerie exposant armes, sceptres, robes et traineaux de 1000 ans de monarchie, et le palais Terem dont les voûtes florales vibrèrent aux rugissement d’Ivan le Terrible. Il faut une journée pour tout visiter : il est presque heureux qu’une partie ne soit accessible qu’aux fidèles fonctionnaires des citoyens Poutine et Medvedev !
Connu comme… la Loubyanka
Si vous voulez voir le triomphe du shopping sur Staline, et de Max Mara sur Marx et Marat, retraversez la place rouge pour musarder dans la très commerciale galerie du Goum, où l’on vendait jadis le must matérialiste des 15 républiques soviétiques. A deux pas, ce « Grand Magasin Universel » a son pendant enfantin, le Dietsky Myr (Le Monde des Enfants) où l’on trouvait naguère poupées de kolkhoziennes et panoplies de bolcheviks, et aujourd’hui le dernier cri du jouet de chez Mattel. Encore quelques pas, et vous butez sur le bâtiment carré de la Loubyanka, la Sûreté, où s’affaire le successeur du KGB, le FSB.
On vous aura dit que les sculptures de l’ère communiste sont exilées dans un parc, sur l’autre rive de la Moskova. C’est vrai : à côté de l’annexe « art moderne » de la galerie Tretyakov (le musée d’art russe à ne pas manquer), vous trouverez ce Dzerjinski de bronze ou ce Brejnev de marbre. Mais Marx reste toujours planté à la sortie du Bolchoï, et l’Ouvrier et la Kolkhozienne, le couple légendaire de la statuaire soviétique, unissent toujours marteau et faucille au dessus des pavillons stalinisant du VDNKha (le parc des Expositions).
Eh oui, contrairement à Petersbourg qui a tout déboulonné, Moscou a toujours sa bibliothèque Lénine, son avenue Lénine, même son métro Lénine : un florilège avec ses halls format gymnase, hantés de mosaïques à la gloire de 1917, de fresques « réalistes socialistes » et de lustres châtelains. Les stations les plus impressionnantes ? Notez : Komsomolskaya, Mayakovskaya, Arbatskaya.
En tout, il y en a 177. Elles seront bien utile dans votre visite de la plus vaste ville d’Europe ; à commencer par la rayonnante université Lomonosov, le mémorial de la « Grande Guerre patriotique » de Poklonnaya Gora, avec son église, sa mosquée et sa synagogue, ou la nécropole de Novodievitchi dont les aviateurs martyrs et les tankistes sacrifiés sont plus fleuris que jamais.
Rockers patriotes
Le 8 mai, la troupe fait gronder ses bottes devant la flamme du soldat Inconnu. Demain, ce sera la parade claironnante face à la momie de Vladimir Ilitch ; mais ce sont aussi les vivants que l’on vient fleurir. Sur l’Arbat (le Boul’Mich de Moscou) ou la Tvierskaya (ses Champs’El), de bons grands pères ont enfilé une fois encore la vareuse du sous-marinier, de jolies vieilles ont plaqué leur sein de médailles gagnées à casser du fasciste. On se fait pixeliser en les embrassant, on les charge de bouquets : pour un jour, ils sont à nouveau des héros.
Devant les stands où les rockers patriotes répondent aux crooners régimentaires, chacun arbore le ruban orange et noir de l’Ordre de la Victoire. Moscou renoue avec ses vieilles mélodies, déroule ses drapeaux rouges, oublie le design international pour n’avoir d’yeux que pour ses 7 gratte-ciel dus à Staline – et tant pis s’ils sont copiés sur le building municipal de Manhattan !
Dominique de La Tour
CONTACTS
CGTT-Les Routes de l’Est
Un grand spécialiste du sur mesure, capable de vous pêcher une place pour un défilé ou le logement dans un gratte-ciel stalinien.
www.cgtt-voyages.fr
Adresses moscovites
Un restaurant « second degré », style archives bureaucratiques, orné des insignes du KGB, et où viennent danser les nostalgiques, le 9 Mai.
Oulitsa Bolchaya Loubyanka, 5.
www.glavpivtorg.ru
Iolki Palki
Une chaîne de restaurants (une trentaine à Moscou) peu chers pour manger des plats traditionnels.
www.elki-palki.ru
Gostinitsa Leningradskaya
Repris par Hilton, un hôtel de légende dans un ancien visotok (gratte-ciel stalinien).
www.hilton.com
Zapasnik Art Garbage
Dans le quartier de Kitay-Gorod, estaurant, bar, biergarten, galerie d’art, boîte de rock : tout à la fois. Jeune et sympa.
Starosadskiy piereoulok, d 5
www.art-garbage.ru
Kafe bar
Notre adresse de bon restaurant familial.
Nikolopeskovskiy piereoulok, d 9/1 str. 2.
A lire
La guerre n’a pas un visage de femme
par Svetlana Alekseievitch (Presses de la Renaissance, Paris, 2004).
Des centaines de souvenirs de femmes plongées dans la Grande Guerre patriotique.
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Willy Johns
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Aaron Smith
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Merci pour cet article qui m’a fait prendre la décision d’aller à Moscou.
Mon séjour restera à jamais gravé dans ma mémoire.