Ayant trouvé sa voix en Cesaria Evora, l’archipel du Cap Vert a aussi un visage, dont les traits changent d’île en île comme les variations sur une guitare. Sal, Santiago, Fogo, Sao Vicente : garantie par la distance qui sépare ces miettes d’Afrique, la surprise est chaque fois sur la partition.
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Atterrissant à Sal, l’avion perle toutes les sueurs de la nuit tropicale. En dépit des clins d’oeil des balises, vous êtes loin de calculer le désert qui s’étend autour de vous. Sal, l' »île du Sel », doit son nom à des marais salants planqués à l’intérieur de son volcan mort. C’est la seule attraction monumentale sur cette terre avec, peut-être, ce petit cimetière surréaliste et de l’embarcadère croulant de Santa Maria, le chef-lieu insulaire. Mais vous pourrez toujours opter pour le repos absolu dans l’incontournable hôtel Morabeza, ou vous atteler au kite surf : le vent costaud qui longe les plages a désigné Sal comme le terrain d’entraînement des champions du monde.
Il y a quelques années, c’est sur ce bout de désert dont on pourrait aisément compter les arbres, que faisaient escale les bannis d’alors : interdits de séjour dans le reste de l’Afrique pour cause d’Apartheid, les équipages sud’af croisaient dans les rues de Santa Maria les pilotes de l’Aeroflot dormant dans les lits de camp d’une villa coloniale, avant de reprendre l’air vers les tropiques socialistes de Cuba ou de l’Angola.
Entre communisme et colonialisme
Le transit par Lisbonne vous rappelle que vous êtes dans une ancienne colonie portugaise, indépendante depuis 1975. Le Cap Vert (plus exactement l’archipel du Cap Vert (car le cap proprement dit, est en face, au Sénégal) compte neuf îles, assez distantes (50 à 100 km, la plupart du temps) pour entretenir chacune son caractère et son propre dialecte afro-portugais. Santiago est la plus variée. Santo Antao reste imbattable pour la rando. Fogo est la plus sismique et Boa Vista la plus sauvage…
C’est sur Santiago que se trouve la capitale, Praia. Les épaves échouées dans la rade feraient un bon décor de BD. Cafés musicaux, vieilles échoppes, poissonniers éventrant des requins bien dentus… si la période communiste (de 1975 à 1990) a laissé ses vestiges léninisants et lénifiants, les standards de la vie impérialiste ont repris le dessus, donnant à Praia des airs de préfecture d’outre-mer sous perfusion de ventilateurs.
Quelques kilomètres à l’ouest à travers de tertres de terres rousses, et vous atteignez Cidade Velha, l’ancêtre, en quelque sorte, de Praia. C’est dans cette « vieille cité » que les conquérants portugais ont fait escale depuis le XVIe siècle, sur la route de Recife, de Goa ou de Madagascar. Les quais sont veillés par une cathédrale sans toit et une forteresse en surchauffe, dont les canons semblent lutter contre l’insolation. Sur la rive droite de la rivière asséchée, fument les fours noirs d’une distillerie digne de la prohibition, où vous achetez un rhum on ne peut plus artisanal à condition d’avoir prévu la bouteille !
Plus résistant que l’asphalte, le pavé de basalte couvre toutes les routes insulaires. C’est un peu le fil conducteur d’une aventure charmante à travers des lambeaux d’Atlas, de Sahara et de lune ; les cannes à sucre sifflant sous le vent atlantique, les marchés criards, les cases délabrées. Au nord de l’île, vous atteignez l’étroite plage de Tarrafal. Les barques peintes forment un éventail bariolé comme un nuancier. Les pêcheurs aux torses salés remontent le poisson qui décidera du menu du restau, là-haut, sur la terrasse qui toise la baie. Mais la charmeuse Tarrafal ne peut faire oublier le camp de concentration voisin, qui recevait les opposants à la dictature de Salazar, le Franco portugais. Derrière les portes jaune citron, vous découvrez le dispensaire vide, les cuisines froides, les lavoirs nus, les fossés doublés de babelés, cadre d’un exil cruel ou ennuyeux.
Sur les flancs du cône
Le meilleur moyen de parcourir Fogo est de louer un taxi à la journée. Fogo, « l’île du feu » est une terre ronde façonnée par les coups de gueule de son volcan ; un bon vieux volcan roux, conique avec un trou au sommet, comme sur un griffonnage d’enfant. Son dernier caprice remonte à 1995. De ce forfait contre une vie insulaire paisible, on voit les caillots de lave rugueuse que percent mollement les pousses vert sauterelle d’une vigne. Un paysan vous hèle pour vous appâter par un verre de vin liquoreux… espérant que vous achèterez la bouteille !
Après être monté au cratère pour surprendre ses bâillements du crépuscule, il faut faire un tour de Fogo par la route circulaire, dénichant les caïques amarrés dans les anses de pierres ponces, distrayant les femmes coiffées de madras qui taillent les caféiers. La contrée vit chichement, mais ses habitants vous accueillent avec une curiosité rieuse et enthousiaste. Dix mots de portugais, et vous ferez un triomphe !
Le Woodstock de l’Afrique
Après les surprises de Santiago et le naturel de Fogo, vous abordez Sao Vicente. Mindelo, le port principal, donne la pulsion vitale à tout l’archipel. Les vieux forts portugais tiennent en joue une ville un rien mauresque, enrichie de réverbères lisboètes, et de bâtiments administratifs d’un jaune presque viennois. La chanteuse Cesaria Evora est née ici en 1941, entre deux bordels. Longtemps trésor personnel de l’île, sa voix usée a passé l’océan, pour faire entrer la morna – la chanson triste et réaliste du Cap Vert – dans le monde exigeant de la world music.
Depuis, Mindelo a vu naître une floraison d’orchestres pas toujours excellents, surtout ceux des établissements réservés aux touristes peu imaginatifs qui mettent toutes leur confiance dans des rabatteurs à lunettes noires. Pour trouver mieux, parcourez les rues et les villages écartés, repérez les cafés où pend quelque guitare noircie par la cuisine riche et le tabac brun, et revenez le soir, pour goûter la vraie morna au sein d’un public galvanisé. Et 10 km à l’est, a lieu chaque mois d’août le festival de Baia das Gatas, un Woodstock qui rassemble toutes les musiques africanisantes, du blues à la bachata, histoire de rappeler que l’archipel n’est, au fond, qu’un gué entre Continent Noir et l’Amérique déjà proche.
Dominique de La Tour
Le Cap Vert Pratique
Y aller
Le plus fiable : Paris/Sal via Lisbonne sur Tap Portugal (www.flytap.com). Vols inter-îles sur TACV (www.flytacv.com).
Hôtels
Pestana Tropico (Praia, Santiago ; tél. : 00 238 261 52 25 ; www.pestana.com/hotels/en/hotels/africa/CapeVerdeHotels/Tropico) : un hôtel très agréable et de bon service dans le quartier résidentiel.
Mindelhotel (avenida 5 de Julho, Mindelo, Sao Vicente ; tél. : 00 238 232 88 81 ; mindelhotel.com) : un 70 chambres confortable, propre, sympa, central avec piscine et restau.
Sortir
Archote (rua Irmas do Amor de Deus, Mindelo, Sao Vicente) : mangez en musique, la fréquentation locale garantit l’authenticité.
Chez Loutcha (Ca lhau, Sao Vicente) : le dimanche, sur la côte est de Sao Vicente, un immense buffet, une assemblée très familiale et un orchestre live, vous attendent.
Robert Kassous à été le responsable Tourisme à l’Obs pendant près de 20 ans. Photographe, reporter, il a créé et dirigé le Magazine Week-end du Nouvel Observateur. Après un passage d’un an chez Challenges et Sciences et Avenir, il se consacre désormais à son site Infotravel.fr dont il assure le développement grâce à sa formation à Sciences PO Paris Master 2 en Management des Médias et du Numérique.
Il collabore en tant que pigiste à différents magazines print ou web nationaux. Passionné de Voyages et de rencontres, il a créé et animé les déjeuners Tourisme de l'Obs pendant plus de 10 ans qui recevaient, ministres, ambassadeurs offices de Tourisme, tours opérateurs et institutionnels. Il est régulièrement l’invité de grands médias français pour son expertise de plus de 30 ans,sur le tourisme, LCI, Soir3, Europe 1, France Info TV, AFP etc.
Administrateur du PressClub depuis 2011, il est également depuis 2021, le Vice-Président de L'union de la Presse Francophone et donne à ce titre conférences et cours de journalisme à destination des pays concernés.
Avec le Sociologue Guillaume Demuth, il anime des conférences en entreprises ou sur des salons comme le Salon Mondial du Tourisme dont son site Infotravel est partenaire officiel, L'IFTM ou encore la Foire de Paris, etc . L'idée étant de comprendre et anticiper les différents changements de comportement des touristes, connaître l’impact des nouvelles technologies, des changements climatiques et de leurs applications et implications dans le monde du Tourisme. Robert est membre de l’Association des Journalistes de Tourisme (AJT) depuis plus de 15 ans. En créant le site Infotravel.fr, il permet au grand public d'avoir, chaque jour, des articles d'inspirations et des bons plans pour voyager informé. Bon voyage !
J’y suis allé il y’a quelques années et il semble que le charme y est toujours présent
une destination de rêve qui fait envie