La route de la rose est sans doute le parcours le plus romantique de France. De jardins en châteaux, le Loiret offre une balade haute en parfums.
Par Cécile de Boismenu-Sepulchre
Comment le discret département du Loiret a-t-il pu devenir l’un des départements les plus parfumés de France ? Son secret tient à son sol. La terre de Beauce, en particulier, riche, profonde et argileuse, offre l’équilibre d’acidité et de PH parfait pour la culture de la rose, en particulier pour les roses anciennes.
La proximité avec Paris, située à seulement une heure de train, a fait le reste. Les plus grands parfumeurs s’y sont installés, la Cosmetic Valley contribuant à créer 70 000 emplois et à hisser la région au premier rang de la parfumerie française.
Désormais, la route de la rose est aussi devenue le fil conducteur d’un itinéraire bucolique, combinant histoire et botanique, grâce à ses arboretums et à ses jardins enchanteurs conçus par des esthètes inspirés.
LES JARDINS DE LA JAVÉLIÈRE
Patrick Masure, le propriétaire du château et du Jardin de la Javelière, figure parmi ceux-ci. Cet ancien capitaine d’industrie, propriétaire de ce domaine depuis 1992, a parcouru les jardins de plusieurs pays avant de concevoir son royaume botanique. Il a alors planté plus de 1 000 rosiers, dont 650 variétés, et un millier d’arbres sur 6 hectares, creusé un vaste étang avant de figurer au classement des « Jardins remarquables » et des sites d’excellence de la Route de la rose. Il faut traverser le manoir pour découvrir une roseraie riche de multiples rosiers grimpants ou sauvages venus du monde entier. Restait ensuite à jouer sur les perspectives, pour donner de l’ampleur au parc et à inventer les espaces. Un « Jardin secret » s’inspiré de la Toscane, avec ses cyprès, ses orangers et ses cistes, dessinant un rectangle. Plus loin, c’est un petit voyage au Japon qui s’inscrit autour d’un ruisseau bordé d’ardoises et d’une végétation nippone : des iris, des primevères et des érables japonais ainsi que des bonsaïs patiemment sculptés. Des sculptures stellaires retracent discrètement les astres du cosmos. Plus champêtre, l’étang situé un peu plus loin est serti de plantes, de fleurs, d’arbres et de buissons figuratifs.
L’ARBORETUM DES GRANDES BRUYÈRES
Le parc de ce domaine, propriété de la famille La Rochefoucauld, est une œuvre en soi, avec ses 7 000 arbres et arbustes, fleurs et légumes, répartis sur 14 hectares. Classé « Jardin remarquable », ce parc abrite un labyrinthe et une roseraie de poétiques roses anciennes, dont le point d’orgue est une longue allée-tonnelle ensevelie sous les fleurs d’un rosier Longicuspis. Les roses répondant à l’appellation « roses anciennes » sont celles qui existaient avant la Première Guerre mondiale, celles qui « incarnent le raffinement, l’équilibre et les parfums », selon Guy Thenot. Depuis toujours, ce conférencier arpente amoureusement le parc, repérant l’évolution des fleurs plantées et les pousses spontanées des rosiers botaniques, dont les graines ont suivi les caprices du vent et des oiseaux. Dans la partie plus ombragée du parc, on repérera un majestueux chêne âgé de deux cents ans, qui constitue le cœur secret du domaine.
www.arboretumdesgrandesbruyeres.fr
LE CHÂTEAU DE CHAMEROLLES
Situé à la lisière de la forêt d’Orléans, le château de Chamerolles fut construit par Lancelot Ier du Lac il y a quelque six siècles. Son histoire fut marquée par diverses destructions et reconstructions, notamment lors de la dernière guerre mondiale qui vit la destruction et le vol de son mobilier par les occupants allemands. Depuis, le bâtiment a été restauré et abrite un musée consacré à l’histoire de l’hygiène et du parfum, histoire de rappeler que le département, avec la Cosmetic Valley, regroupe plus de 500 entreprises liées à ce secteur. On découvre, à travers cette « Promenade des parfums », près de 800 flacons rares des plus grandes griffes, signés Lalique, Daum, Baccarat, Dali, etc., et d’étonnants objets de toilette. La visite se conclut dans le jardin Renaissance, bien sûr parfumé de 75 variétés de roses.
www.chateauchamerolles.fr
LE JARDIN ANDRÉ EVE
Pour ceux qui souhaiteraient rapporter un rosier rare de leur balade sur la route de la rose, le détour incontournable s’impose au Jardin André Eve. Héritage du célèbre jardinier aujourd’hui disparu, ce jardin est une création récente, qui prend le relais du Jardin de Morailles planté par André Eve. On y repère les roses rares, car l’une des grandes activités de Jérôme Rateau, le nouveau roi du lieu, est de créer de nouvelles variétés en réalisant de savantes hybridations, soigneusement répertoriées pour pouvoir les renouveler. Une activité qui lui a valu, en 2020, le premier prix au Concours International des Roses Nouvelles de Paris-Bagatelle.
La jardinerie compte déjà 880 variétés : grimpantes, tiges, buissons, lianes ou arbustes, aux besoins et aux floraisons changeantes. La maison s’est fait connaître par la création de roses dédiées à des célébrités, telle la rose Sylvie Vartan, premier grand succès de la marque. Car il est possible de donner son nom à une rose. C’est ainsi que le restaurant Le Lancelot, une excellente table locale, fêtait en ce mois de juin la création de sa rose éponyme.
LA ROSERAIE DE MORAILLES
Berceau de la maison André Eve, cette roseraie abrite quelque 600 variétés de roses vivaces, bichonnées depuis 2018 par une équipe de bénévoles. Missionnée par la commune, celle-ci œuvre avec des personnes en processus de réinsertion. Ceux ci apprennent à cultiver les rosiers et à développer les produits annexes. Car à défaut de pouvoir acheter des rosiers, il est possible de découvrir une boutique de produits dérivés : produits de soins, savons, essences végétales, et aussi produits des maraîchers des environs. Diverses activités sont proposées au grand public, notamment la réalisation de sirop de roses, disponible aussi à l’achat.
YÈVRE-LE-CHÂTEL
Ce village-jardin, classé parmi les « Plus Beaux Villages de France« , pourrait n’être que charmant avec ses maisons anciennes en calcaire, blotties autour du château serti de ses quatre tours saillantes, la poterne, et les églises Saint-Gault et Saint-Lubin. Il est devenu enchanteur grâce à l’action d’un maire dévoué, Alain di Stefano, et de son épouse. Tous deux ont consacré une énergie folle à fleurir rues et venelles de roses et autres vivaces : sauges arbustives, vergerettes, anémones du Japon, géranium Rozanne, nepétas, etc.
Les plantes sont offertes aux habitants et entretenues en partie par la commune. Le classement de « Jardin remarquable » du Village-Jardin de Yèvre-le-Châtel n’a pas suffi à son maire, qui a aussi fait installer des œuvres d’art intéressantes… Pourquoi tant d’énergie ? Alain di Stefano sourit en citant Stendhal : « Parce que la beauté est une promesse de bonheur ».
https://yevre-la-ville.fr/
Pour plus d’informations :
www.routedelarose.fr
www.tourismeloiret.com/fr
La meilleure saison se situe entre fin avril et fin juin
