Flightright montre que la flambée tient moins à la fiscalité ou au carburant qu’au pilotage tarifaire des compagnies
Cet été, les prix des billets d’avion ont décollé bien plus vite que l’inflation, avant de se poser en août. Certains ont pointé la fiscalité ou le kérosène mais l’analyse croisée des données montre une autre réalité. La taxe de solidarité (TSBA) ne joue qu’un rôle marginal et le coût du carburant, lui, est en recul. Le véritable moteur se trouve ailleurs : la stratégie tarifaire et les frais additionnels des compagnies. Un constat chiffré* mis en évidence par Flightright, l’un des leaders de l’indemnisation des passagers aériens.
Une flambée au-delà du seul effet saisonnier

Les économistes considèrent qu’une hausse de prix supérieure à 2 % constitue un signal d’alerte. Or entre mai et juillet, les billets d’avion ont augmenté trois à quatre fois plus vite : 4,9 % en mai, 4,4 % en juin, 6,8 % en juillet, soit le double du rythme observé durant l’été 2024. Rapportée à un billet moyen de 300 €, une telle progression représente 18 € supplémentaires soit près de 75 € pour un ménage de quatre. Cette séquence ne relève pas d’un simple bruit statistique. Elle coïncide avec la pointe de la demande (ponts du printemps, départs d’été), au moment même des grands départs familiaux. Signe fort : sur la même période, l’inflation générale est restée autour de 0,7 %.
« En clair, les billets d’avion ont augmenté six à dix fois plus vite que les prix à la consommation. Ce décalage confirme que l’aérien répond à sa propre logique inflationniste, découplée des coûts généraux. » – Imane El Bouanani, responsable juridique France de Flightright
En août, les prix retombent à +0,5 %. Cette accalmie suit celle des réservations, et invalide l’hypothèse de facteurs extérieurs. Les données révèlent une stratégie tarifaire fondée sur les périodes de tension commerciale : lorsque les voyageurs ont peu d’alternatives.
Taxes et carburant : faux coupables
La taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », est entrée en vigueur au printemps 2025. Son impact est connu : +7,40 € sur un court-courrier, +15 € sur un moyen-courrier, +40 € sur un long-courrier. Proportionnellement au prix du billet, elle ajoute entre 1 et 2,5 points, selon la destination. Mais les hausses observées cet été (jusqu’à +6,8 % en juillet) dépassent largement ce seuil. L’effet de la taxe, bien que réel, demeure marginal face à l’ampleur constatée. Elle éclaire une partie du phénomène, mais ne saurait en rendre compte pleinement.
Autre raison souvent avancée : le carburant. Là encore, les chiffres démentent cette piste. En 2025, le prix moyen du kérosène a reculé par rapport à 2024 : environ 86 $/baril, contre 99 $ l’année précédente. Si le carburant jouait un rôle déterminant, la hausse serait continue. Elle ne l’est pas : elle se concentre sur les mois de forte demande. La dynamique tarifaire n’a rien de structurel. Elle est purement opportuniste.

Le moteur caché des prix
Le ressort principal se trouve dans le yield management. Quand la demande s’intensifie, l’algorithme remonte les grilles tarifaires. L’été 2025 en offre une illustration limpide : les prix grimpent à mesure que les avions se remplissent, avant de se détendre en août.
Ce mouvement est renforcé par la généralisation des frais additionnels. Bagage cabine, choix de siège, embarquement prioritaire… Autant de lignes « accessoires » qui sont désormais au cœur du modèle économique. En 2024, ces suppléments ont rapporté plusieurs centaines de millions d’euros aux principales low-cost (environ 538 M€ pour Ryanair, 226 M€ pour easyJet, 169 M€ pour Transavia) représentant jusqu’à 30 % des revenus pour certaines compagnies européennes. Une mécanique qui alimente les profits globaux. Selon l’IATA, les compagnies aériennes prévoient 36 Md$ de bénéfices nets en 2025, après 32,4 Md$ en 2024 (déjà un record).
Carburant en baisse, taxe marginale, profits en hausse : les explications habituelles ne justifient pas la flambée. C’est le jeu tarifaire et les services facturés qui font la différence.
« La stabilité économique des compagnies n’est pas menacée. Au contraire, elles affichent une rentabilité record. La vraie question n’est donc pas leur équilibre, mais le déséquilibre pour le passager : il paie beaucoup plus, sans que ce soit justifié. » – Imane El Bouanani, responsable juridique France de Flightright
*Sources : indice des prix du transport aérien de passagers (IPTAP) – Ministère de la Transition écologique ; données sectorielles publiques (IATA, 2024–2025).

