À Marvao, un fabuleux festival de musique a remplacé les armes
De notre envoyé spécial Roland Machenaud
Au Portugal, l’histoire du festival de Musique de Marvao s’écrit ainsi : Christoph Poppen, chef d’orchestre et violoniste allemand de renom, arpentait à vélo les collines proches de la frontière espagnole il y a une douzaine d’années quand il s’attaqua à une pente plus rude que les autres. Il découvrit ainsi le village fortifié de Marvao dont il tomba amoureux.
Il eut quelques difficultés à convaincre sa femme, la soprano Juliane Banse, d’imaginer un projet hors-norme pour un lieu aussi éloigné de tout centre de vie : un festival de musique ! Or, si l’on en croit un critique italien : « Pour réussir un festival de musique, deux conditions sont nécessaires : d’abord choisir un lieu isolé et ensuite s’assurer de son indiscutable beauté esthétique ».
Depuis onze ans, ces deux conditions réunies, l’amour, l’amitié ainsi qu’une organisation parfaite menée avec brio et intelligence par Daniel Boto ont mené rapidement ce festival à un succès au niveau tant de la qualité musicale que de l’intégration dans un l’environnement local ou vis-à-vis de la presse internationale. Voici, par exemple, ce que vient d’écrire, dans Bachtrack, Alain Lompech, un des plus grands critiques français bien connu des lecteurs du Monde, à propos de cette édition 2025 qui vient de se tenir mi-juillet : « Au bout de trois jours, on est ivre de musique et l’on regarde l’horizon en se disant mais quelle ironie ! Jamais la musique ne s’est si bien portée, jamais il n’y a eu un tel nombre de jeunes musiciens très bien formés à la musique de chambre tout en étant des solistes de haut vol, jamais les nationalités n’ont été si bien brassées, jamais il n’y a eu autant de quatuors à cordes de premier plan et jamais la grande presse dans tous les pays du monde n’a donné si peu de place dans ses colonnes pour rendre compte d’un phénomène dont le Festival international de musique de Marvão rend compte comme si tout cela était naturel, alors qu’il s’agit d’un acte de résistance culturelle majeur ».
Là-haut sur cet éperon rocheux où tout rappelle combats et résistance à l’ennemi, il faut voir les fidèles se rendre aujourd’hui en procession, sourire aux lèvres et programme à la main, vers le patio du château qui accueille 500 personnes ou vers une petite église où les happy few vont entendre l’émouvant quatuor de la fin du Temps de Messiaen ou des lieder de Strauss, de Brahms ou de Schoenberg, l’ensemble des Caprices de Paganini interprété par le jeune violoniste virtuose Kevin Zhu ou encore, le Quatuor Arod dont la puissance, l’élégance et l’harmonie ont résonné sous les étoiles.
Sans oublier la place réservée au jazz et à la musique contemporaine ou au fado. Avec un moment très fort cette année, le concert du Quatuor Malion à 6 heures du matin pour célébrer le lever du soleil sur la tour du Château, avec la musique de Joseph Haydn. Complet là aussi ! Quand on aime etc…. Impossible de citer tous ces artistes – il étaient 75 cette année venus de 20 pays différents – ainsi que les 35 concerts offerts à un 15 000 spectateurs éblouis par la beauté du site et la qualité des concerts où le lied et la musique de chambre ont la place d’honneur.
Le festival de Marvao ne sera jamais Bayreuth ou Salzburg : la taille des équipements ne le permet pas. C’est sa chance !
Cette ile artistique, suspendue entre ciel et terre, à 200 kms à l’est de Lisbonne, touchant l’Estrémadure espagnole, est le rendez-vous discret plus que secret de mélomanes souvent venus de très loin.
A Marvao, il y avait le silence. Christoph Poppen y a fait venir ses amis Schubert, Mozart, Bach, Strauss, Schoenberg, Messiaen et Compagnie.
La musique remplace les armes. Et les feux d’artifice musicaux, les bruits de canons.
Prenez déjà rendez-vous pour la prochaine édition, en juillet 2026, là-haut près du château où le silence joue au chat et à la souris avec les accords subtils des invités de Christoph et de Juliane…
Information : marvaomusic.com/en/